Le réseau Architecture Patrimoine et Création

Le réseau Architecture Patrimoine et Création s’offre pour ambition de construire un espace de dialogue, d’échanges et de réflexion portant sur la place des héritages architecturaux et urbains dans les dynamiques de projet en dépassant les seuls objets et temporalités pour interroger les postures et les pratiques, les théories et l’éthique professionnelle mais encore les problématiques de durabilité au-delà des seuls enjeux environnementaux. Le réseau Architecture Patrimoine et Création entend souligner en particulier la qualité essentielle que revêt l’Histoire dans l’enseignement de l’architecture : celle de mettre en relief les relations fécondes entre analyse et projet ; le projet s’affirmant comme l’un des lieux d’exploration et d’expérimentation privilégiés de l’Histoire. Nul domaine n’est peut-être plus à même de tisser des liens entre la formation, l’enseignement, la pratique et la recherche que celui relatif à l’intervention, à la restauration comme à la réhabilitation ; raison pour laquelle ce réseau à vocation à réunir chercheurs, enseignants, praticiens dans une démarche collaborative. En ce sens, le réseau Architecture Patrimoine et Création entend constituer une communauté scientifique élargie, au-delà des seules écoles d’architecture à l’échelle nationale et internationale.

Contexte

Le 21 mars 2014, un premier séminaire inter-écoles portant sur l’enseignement et la recherche dans le domaine de la connaissance, l’évaluation et la transformation des édifices existants et du patrimoine bâti s’est tenu à Nancy à l’initiative du Laboratoire d’histoire de l’architecture contemporaine. L’objectif de cette rencontre était de proposer aux enseignants des ENSA d’engager un travail de partage d’expériences autour de ces problématiques, dans le prolongement de l’étude nationale réalisée en octobre 2011 par le Ministère de la Culture et de la Communication sur l’enseignement relatif à l’intervention sur l’existant dans la formation initiale des écoles nationales supérieures d’architecture.

Cette dernière enquête soulignait le faible investissement des architectes dans les activités de rénovation – moins de 15 % – dans un marché pourtant en plein essor qui représente actuellement plus de la moitié du volume global du secteur de la construction. Outre la concurrence avec d’autres maîtres d’œuvre, une part de création considérée comme plus limitée que dans la construction neuve et une rémunération insuffisante, il semble au demeurant que ce champ d’investigation souffrît également de freins culturels au sein même de la profession, conséquence d’une formation insuffisante au sein des écoles d’architecture malgré l’offre de parcours à coloration patrimoniale ou de DSA mention « architecture et patrimoine ». En ce domaine, les spécialisations existantes s’intéressent, il est vrai, essentiellement aux problématiques à caractère patrimonial, comme l’illustre en particulier la formation proposée par l’École de Chaillot. Restauration, rénovation, reconversion, réhabilitation, restructuration, mutation de l’existant, la variété des termes rend compte de l’étendu du champ d’investigation et de la multiplicité des démarches de projet dans un dialogue fécond avec les architectures anciennes et contemporaines ; la mutabilité de l’existant s’imposant aujourd’hui comme un enjeu professionnel de première importance. Or de ce point de vue, les projets pédagogiques intègrent très inégalement ce type de formation au sein des ENSA. Il est vrai qu’une telle filière est aujourd’hui en gestation en France ; sans parler d’un retard français à considérer combien ces questions sont prises en compte en Italie ou encore en Suisse.

Au regard de l’ampleur des défis à relever dans les décennies à venir en matière de rénovation énergétique, de mutation comme de recyclage de l’architecture et de l’importance économique de ce secteur pour la profession, les réflexions contemporaines tendent à dépasser les seules questions patrimoniales pour aborder l’intervention sur l’existant dans ses multiples dimensions historiques, architecturales et urbaines, énergétiques, matérielles et constructives mais encore politiques, sociales et sociologiques. Cette dernière remarque s’applique tout particulièrement à l’architecture du XXe siècle qui s’impose comme l’un des champs d’investigation privilégiés des architectes contemporains. Ces dix dernières années, les mesures s’appliquant à la mutabilité du bâti se sont multipliées : Plan ville durable (2008) et Lois Grenelle (2009, 2010), Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), Loi pour la liberté de la création, l’architecture et le patrimoine (LCAP), plaçant l’architecture et les ensembles urbains du XXe siècle – tout particulièrement le bâti des Trente Glorieuses – au cœur des réflexions contemporaines portant sur la ville durable. En ce domaine, les problématiques soulevées par le renouvellement urbain engagent plus que jamais les professionnels à s’investir dans des logiques de transformations de l’existant.

Trois séminaires ont été organisés ces dernières années dans le dessein notamment d’établir un état des lieux en matière d’enseignements au sein des ENSA. Le séminaire de Nancy a souligné l’importance d’un partage d’expériences entre les écoles d’architecture, qu’il s’agisse des enseignements comme des recherches en cours et la nécessité d’organiser des rencontres scientifiques périodiques autour de ces sujets. Le deuxième séminaire inter-écoles, qui s’est déroulé à Clermont-Ferrand en octobre 2015 sur le thème Projet et approche(s) du temps, a confirmé la nécessaire coordination des initiatives et la thématisation des rencontres préfigurant la constitution d’un futur Réseau scientifique et technique dans la perspective d’une habilitation en octobre 2017. Le troisième séminaire inter-écoles, qui s’est déroulé à l’ENSAL en novembre 2017, se proposait d’interroger l’état des réflexions théoriques contemporaines en matière d’intervention avec et sur l’existant autour de trois thématiques transversales : Valeurs(s), Ethique, Intégrité/authenticité. Les problématiques soulevées par cette dernière rencontre entendaient interroger la capacité des écoles d’architecture à relever l’un des défis majeurs des décennies futures : la formalisation d’un discours théorique et critique en lien avec la pratique professionnelle dans le domaine de la réhabilitation, de l’entretien, de l’intervention avec et sur l’existant.

Le réseau Architecture patrimoine et création, habilité au 1er janvier 2018, vient compléter l’offre proposée par les neuf réseaux scientifiques thématiques de la recherche architecturale, urbaine et paysagère actuellement habilités par le Ministère de la Culture.