Projet Scientifique

Construire une pensée théorique

Depuis une trentaine d’années, le secteur de la réhabilitation et de la rénovation s’est imposé comme un champ à part entière de l’acte de construire au point de représenter aujourd’hui près de la moitié du marché de la construction. À l’heure où le cadre bâti est de plus en plus sollicité, il convient d’interroger les fondements théoriques de la pratique professionnelle contemporaine considérant qu’il demeure très difficile d’avoir un point de vue d’ensemble sur les prises de positions théoriques contemporaines relatives à l’intervention, à la restauration comme à la réhabilitation du patrimoine et du bâti existant en France malgré l’importance et la qualité des réalisations qui se sont multipliées depuis les années 1980. Les travaux de réhabilitation, de transformation voire de démolition conduits ces trois dernières décennies ont-ils suscité de nouvelles prises de positions théoriques et déontologiques ? Des doctrines nouvelles ont-elles émergé à la faveur de réalisations emblématiques ou de travaux plus modestes ? Indépendamment du discours convenu selon lequel l’architecture contemporaine assurerait le futur des monuments – véritable doctrine officielle depuis les années 1980 ; qu’en est-il aujourd’hui des débats théoriques ? Même constat d’un point de vue bibliographique. Indépendamment des études conduites au sein du laboratoire des Techniques et de la sauvegarde de l’architecture moderne de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, des travaux italiens et québécois − en particulier sur la reconversion des églises −, la littérature contemporaine française demeure extrêmement lacunaire, raison pour laquelle il conviendra sans nul doute d’ouvrir très tôt les réflexions du futur réseau scientifique et technique aux sphères étrangères.

Au fond, la pratique architecturale peut-elle réellement s’abstraire de la formalisation de discours théoriques qui, il faut le reconnaître, tendent trop souvent à justifier a posteriori les démarches et des partis ? L’une des ambitions du réseau Architecture Patrimoine et Création est de dresser un état des réflexions théoriques contemporaines en matière de réhabilitation ; ce dernier terme étant entendu en son sens le plus englobant. Face aux approches techniciennes, les architectes sont-ils à même de produire aujourd’hui un discours renouvelé au regard des enjeux soulevés par ces questions ? Le faible investissement des architectes dans les activités de rénovation est-il synonyme de déficit théorique ? En ce domaine, il n’est pas inutile de rappeler l’importance que revêt l’ancrage de la pratique dans une formalisation théorique, notamment au sein des ENSA.

Capitaliser et diffuser les expériences pédagogiques

Le réseau Architecture patrimoine et création poursuit également l’ambition de capitaliser les expériences pédagogiques relatives à la formation comme à la sensibilisation à l’intervention sur et avec l’existant au sein des ENSA, en lien avec les divers partenaires publics et privés qui développent des actions de médiation et de formation à destination des professionnels comme du grand public. Il s’agit en l’occurrence de mettre en relation pratiques pédagogiques, enjeux professionnels et productions scientifiques autour des problématiques spécifiques soulevées par l’intervention sur le patrimoine. Cette dernière remarque s’applique tout particulièrement à l’héritage architectural du XXe siècle − en raison de sa spécificité comme de sa fragilité − dans le dessein de s’inscrire dans l’axe deuxième de la Stratégie nationale pour l’architecture initiée par le Ministère de la Culture en octobre 2015 (Prendre en compte l’héritage architectural des XXe et XXIe siècles et développer l’intervention architecturale pour valoriser et transformer le cadre bâti existant), notamment au regard de la mesure 7 (Renforcer la formation initiale et continue des architectes sur l’intervention sur l’existant).L’intervention sur le bâti du XXe siècle constitue aujourd’hui un défi majeur pour les professionnels qui œuvrent dans le cadre des dynamiques de reconversion architecturales et urbanistiques et s’applique tout particulièrement à l’habitat collectif du siècle dernier. Au-delà des seules logiques utilitaires, il convient de s’intéresser aux modalités de mutation du bâti existant, d’en mesurer les potentialités d’évolution et de transformation et d’en apprécier la valeur architecturale et patrimoniale. En ce domaine, la pertinence de l’intervention sur l’existant dépendent pour beaucoup de la compréhension que le professionnel aura acquise des spécificités historiques, matérielles, ambiantales et culturelles de l’existant ;
raisons pour lesquelles le développement d’enseignements spécifiques au sein des ENSA revêt aujourd’hui une importance aussi grande.